Le bois, une réponse d’avenir pour construire durablement ? Luc Boyer partage sa vision d'expert dans le cadre du projet écoquartier Vallin Fier mené par SOGIMM à Annecy.
Le 24/06/2025
SOGIMM a été désigné lauréat du concours lancé par la Ville d’Annecy pour l’écoquartier Vallin Fier qui se situera le long de l’avenue de Genève. Conçu et géré dans une démarche de développement durable, cet écoquartier devra répondre à des critères de performance environnementale exigeants, en particulier sur la construction et l’environnement du projet, tout en assurant une mixité sociale et fonctionnelle.
En s’associant au bureau d’ingénieurs Gustave – Ingénieur du Bois, SOGIMM prend le parti de faire la part belle au bois dans le mode constructif choisi. Nous avons rencontré Luc Boyer, ingénieur ESB qui nous en dit plus sur les vertus du bois dans la construction.
Vous êtes ingénieur et associé au sein de l'entreprise Gustave - Ingénieur du Bois. Quel est votre coeur de métier ?
Gustave - Ingénieur du Bois est un bureau d’ingénieurs que nous avons racheté avec mon associé Antoine Roux en 2021. Nous sommes spécialisés en construction bois et notre cœur d’activité repose sur la mise en œuvre de bâtiments et d’opérations de génie civil à dominante bois.
Ingénieurs spécialistes de la structure et bâtisseurs engagés, vous êtes convaincus que le bois est l'avenir de la construction, pour quelles raisons ?
En effet, c’est notre conviction profonde. Et ce, pour plein de raisons. La première est que le sujet environnemental est présent dans chacune de nos discussions aujourd’hui et encore plus dans le secteur du bâtiment qui se trouve être particulièrement carboné. Il se trouve que la meilleure réponse à la décarbonation de nos bâtiments repose sur l’utilisation du bois. Il faut savoir qu’1 m3 de bois stocke environ une tonne de CO2 émis dans l’atmosphère. D’autre part, le bois est naturellement isolant (6 fois plus que la brique, 12 fois plus que le béton) et il permet d’avoir des bâtiments énergétiquement efficaces, réduisant ainsi les besoins en chauffage ou en climatisation. Enfin, un arbre se régénère au moins une fois et jusqu’à une fois et demie à l’échelle d’une vie humaine ce qui en fait la ressource naturelle la plus rapidement renouvelable.
Le bois est donc une réponse pertinente mais qu'en est-il de la ressource aujourd'hui ?
Nous avons une fausse image de la gestion de la ressource en bois en France. La forêt française couvre actuellement 31% du territoire et contrairement à ce que l’on croit sa surface est bien plus vaste qu’au 16ème siècle où elle ne représentait plus que 15 à 17%. La filière bois n’est pas une grande filière constituée de beaucoup de lobbies et nous avons tendance à sous-estimer sa force.
Le bois constitue donc une ressource d'avenir pour construire plus durablement, quels sont ses principaux avantages au moment de la construction ?
Le bois est un matériau léger, facile à manutentionner et à usiner ce qui veut dire que le l’on peut le découper et le préparer en amont du chantier. Grâce à tout un travail possible de préfabrication hors site, nous limitons ainsi le temps d’intervention sur le chantier en étant plus efficaces. En réduisant le temps du chantier, nous avons non seulement un impact économique positif mais nous minimisons également les nuisances parallèles notamment en termes de bruit ou de pollution. Les chantiers bois génèrent moins de déchets et ces derniers peuvent être réutilisés. Enfin, en utilisant les ressources locales, nous limitons également les transports et favorisons l’emploi de proximité et, par conséquent, le développement des territoires ruraux.
Vous dites qu'il s'agit d'une filière sèche, qu'est-ce que cela signifie ?
En effet, lorsque l’on utilise le bois dans la construction, il ne faut pas rapporter d’eau à l’intérieur du bâtiment. Toujours au sec, la vie du chantier est facilitée et en termes de rapidité, dès que les volumes en bois sont montés, il est possible d’attaquer tout de suite le second œuvre. Bien entendu, économiser la ressource en eau est une vraie plus-value et un axe très fort de développement.
La mise en oeuvre du bois nécessite en revanche des connaissances techniques particulières ?
Le bois mérite toutefois qu’on le maitrise parfaitement parce que c’est un matériau vulnérable vis-à-vis de l’eau et de l’humidité mais aussi anisotrope, c’est-à-dire qu’il n’a pas les mêmes caractéristiques mécaniques selon le sens dans lequel il est sollicité. Son utilisation requiert donc des compétences techniques très précises.
L'utilisation du bois dans la construction est d'autant plus intéressante lorsque l'on peut s'approvisionner en circuit-court, quid de la ressource dans notre région ?
Dans les deux Savoie, la forêt est importante mais nous avons beaucoup de bois malades. Pour autant, il faut savoir que cela n’altère pas les propriétés mécaniques du bois et comme ces forêts atteintes doivent être coupées pour éviter la prolifération des insectes, en utilisant ce bois malade, nous remplissons une double fonction de réemploi et d’entretien de la forêt.
La performance n'est pas antithétique avec l'esthétique, au contraire ?
Absolument. Voilà une autre idée reçue que l’on peut combattre. Nous avons encore à l’esprit l’idée de réalisations à la morphologie relativement traditionnelle mais aujourd’hui le bois peut être utilisé pour tous types d’ouvrages. Il n’impose pas de limites à l’architecture, la géométrie et la forme que l’on veut donner. Nous sommes capables de faire des ponts et des immeubles en bois. Récemment, nous avons participé à la construction du village des Jeux Olympiques et livré 17 bâtiments à dominante bois. C’est notre défi au quotidien : trouver les solutions techniques et scientifiques pour la réalisation de tous types de structures.
SOGIMM a récemment remporté le concours de la ville d'Annecy et prend part au projet d'écoquartier de Vallin Fier, comment allez-vous collaborer sur cet ensemble ?
Ce sera la première opération que nous mènerons à bout en collaboration avec SOGIMM et le Groupe Monod. Le permis de construire sera très bientôt déposé et nous espérons démarrer les travaux tout début 2026. Il s’agit de la construction de 67 logements sur 2 800 m2, principalement à prix maîtrisés et en locatif social, avec des commerces et locaux d’activité en pied d’immeubles, le long de l’avenue de Genève. Il est question ici de concilier le volet économique avec les ambitions de logements et d’espaces vertueux.
Comment le bois va être mis en oeuvre dans ce projet ?
Nous allons réaliser les façades en ossature bois, majoritairement des façades extérieures qui ne sont pas porteuses. Il s’agit là d’une structure hybride béton/bois. Ces solutions permettent d’avoir un impact carbone dégressif et de faire évoluer des projets de logements à l’impact limité à l’échelle de tout un quartier.
Quels sont les avantages de ces façades à ossature bois dans le choix du mode constructif ?
Au-delà des performances environnementales et de mises en chantier simplifiées que nous avons évoquées, les murs en ossature bois offrent une très bonne isolation thermique car il est facile d’intégrer des isolants dans l’épaisseur de l’ossature. Le bois a, en outre, un plus un faible coefficient de conductivité thermique. C’est pourquoi on le retrouve souvent dans les bâtiments basse consommation et les constructions à haute performance énergétique. Le confort acoustique est également assuré et l’ossature bois permet aussi une grande liberté de conception, quel que soit le style de l’ouvrage.
Le projet sera conforme à la RE2020 et couplé à d'autres partis pris engagés sur le plan énergétique ?
Effectivement, SOGIMM a choisi d’utiliser la géothermie pour le système de chauffage. Concernant la Réglementation Environnementale, nous serons non seulement conformes à la RE2020 mais nous irons même au-delà des seuils attendus en anticipant les exigences de la RE2025. Nous allons également chercher les certifications des labels NF Habitat pour attester de la qualité de la construction.
Vous accompagnez donc les constructeurs dans l'évolution de leurs modèles ?
Un projet comme celui-ci est l’aboutissement de tout un travail d’équipe avec le promoteur immobilier, les architectes et l’ensemble des parties prenantes. Avec SOGIMM, nous avons le plaisir d’échanger avec des personnes qui sont soucieuses de faire évoluer leurs schémas pour proposer des bâtiments plus performants, ce qui se trouve être aussi une volonté de la Ville d’Annecy qui nous a fait confiance et nous demande de répondre au référentiel « Bien Construire Annecy » et de concilier durabilité, sobriété énergétique, performances thermiques avec le bien-être au quotidien des habitants. Un défi collectif.